Simon Persico
J’aime voyager. Je suis assez bon en calcul. Et je suis un peu écologiste. Un jour, du coup, je me suis amusé à compter quelle quantité de C02 mes voyages rejetaient dans l’atmosphère. J’ai comparé cette quantité entre plusieurs modes de transports.
Et je me suis rendu compte de différences phénoménales ! (voir le graphique ci-dessous)
En moyenne, pour un voyage de 100km, un voyage en avion émet 284 kg de CO2. En voiture, si l’on est 4 dans la voiture, c’est 188 kg (341 si l’on est seul !) ; En bus, c’est 117 kg de CO2 tous les 100 km. Et en train, il n’y a pas photo : le train est 10 fois moins polluant que l’avion : 026 kg équivalent pétrole, soit 258 kg de CO2 économisés.
Si l’on raisonne cette fois en kg équivalent pétrole (je fais partie de ceux qui pensent que l’électricité, parce qu’elle est produite par des centrales nucléaires, est aussi polluante), les résultats sont tous aussi probants : 89 kgEP pour l’avion, 68 kgEP pour la voiture, 36,6 kgEP pour le bus et 33 kg EP pour le train !
Graphique 1 : Consommation et pollution engendrés par différents types de transports (pour 1000 km par passager) (source : www. Ademe.fr)
Alors j’ai réfléchi ! En bon voyageur un peu écologiste que je suis, je me suis décidé à suivre deux règles de comportement individuel.
- D’abord, me poser sept fois la question de mon besoin/envie de faire le voyage avant d’acheter le billet. Pas la peine de dépenser tant de sous et d’énergie pour un voyage dont on n’a même pas envie ou qui n’est pas nécessaire (j’inclue le bonheur personnel dans cette nécessité) ! Ne pas rejoindre mes amis en Guadeloupe pour 10 jours par exemple. Cela n’a pas trop de sens et le ratio bonheur individuel/coût financier et écologique m’a fait pencher pour des vacances dans les Alpes à la place. Je sais que cette position est parfois mal comprise, que je passe pour une rabat-joie à ne pas vouloir partir me faire bronzer dans l’hémisphère Sud. Mais je suis fondamentalement convaincu que l’époque où l’on pensait se débarrasser de la notion physique de distance est révolue. Que l’homme vit dans une planète finie, et que l’idée selon laquelle un être humain peut se permettre de faire des dizaines de milliers de kilomètres de voyage par an est une idée périmée. Elle est physiquement périmée. Il me faut cependant avouer que, à l’étape 1, je réponds souvent oui. Je vous l’ai déjà dit : j’aime voyager. D’où la règle 2 !
- Voyager en train ou en transport en commun chaque fois que c’est possible. Cette règle est un peu plus complexe. Tout réside dans ce que l’on entend par « chaque fois que c’est possible ». En ce qui me concerne, j’ai donc décidé de ne voyager qu’en train ou en transport en commun à l’intérieur de l’Europe. L’Europe est en effet est un espace intégré et réduit, dans lequel les lignes de trains sont de qualité. Il est tout à fait possible d’acheter son billet depuis la France. Ceci est encore plus vrai en France, dans la mesure où les lignes TGV sont extrêmement rapides et fiables. C’est vrai que c’est souvent cher, et souvent plus long que l’avion. En moyenne, un voyage en train entre deux capitales européennes est plus cher qu’un voyage en avion. Cela est fondamentalement anormal quand on sait la différence d’impact environnemental qu’entraîne le choix de prendre le train plutôt que l’avion. Mais cela a aussi des côtés agréables. En tant que chercheur en science politique, j’ai récemment été invité à participer à une conférence à Catane, en Sicile. Bien sûr, le réflexe de tous mes collègues a été de prendre un avion entre Paris et Catane, pour un coût moyen de 275 euros par personne et une durée d’environ 4 heures (de porte à porte). En ce qui me concerne, j’ai opté pour un train de nuit vers Naples, suivi d’une traversée en bateau de Naples vers Catane (idem au retour). Cela m’a coûté 120 euros supplémentaires (ce qui n’est pas une paille pour un doctorant comme moi). Heureusement, l’association Sciences-Po environnement m’a aidé à couvrir une part non négligeable du surplus. Mais cela m’a aussi offert un magnifique lever de soleil sur le pont du bateau, alors que nous croisions le détroit de Messine. Ce voyage, plus lent bien sûr, m’aura aussi permis de prendre mon temps, de bien travailler dans le train, de manger une excellente pizza napolitaine et de discuter avec des routiers siciliens dans le bateau. Une réussite !
Cela étant, je persiste à penser que ces règles de vie individuelles, même si, au final, elles sont assez faciles à mettre en œuvre, en ce qui me concerne, devraient être favorisées par la collectivité publique. Au lieu que le fait de passer de l’avion au train soit découragé, il faudrait qu’il soit encouragé. Cela passe par deux mesures très simples.
Taxer le kérozène ! Ce carburant, qui est le plus polluant de toute la gamme des hydrocarbures, est aussi le seul qui ne soit pas taxé. Il paraît urgent qu’il soit taxé au moins à la même hauteur que l’essence (soit à hauteur de 60%). On se rendrait alors compte du vrai coût de l’avion et le train serait immédiatement plus compétitif ! On pourrait par ailleurs utiliser les ressources financières issues de cette taxe à l’amélioration des lignes de transports ferroviaires.
Arrêter de construire des aéroports dans les villes de taille moyenne pour favoriser le développement des compagnies low-costs ! J’apprends qu’une ville comme Valence souhaite étendre son aéroport local (à Chabeuil), pour y accueillir des lignes low-costs permanentes. C’est une pure aberration écologique et économique, surtout quand l’on connaît l’existence d’une gare TGV, qui se situe à 2h15 de Paris et 35 min de l’aéroport de Lyon Saint-Exupéry. De fait, toute construction d’aéroport rend plus intéressant l’usage de l’avion. Quand on sait les conséquences néfastes que l’usage immodéré de l’avion peut avoir sur la vie des riverains, le réchauffement climatique et l’empreinte écologique en général, sans pour autant créer plus d’emploi qu’une solide politique ferroviaire, agrandir un aéroport devrait être la dernière des priorité !
Naples et le Vésuve au moment du départ
Le passage devant le détroit de Messine lors du voyage aller
Soleil qui se couche sur l’Etna lors du retour